Histoire

Historique du Camp d’action biblique

Par Yvette (Perron) Larochelle
1947

Tout a commencé par un rêve. Le rêve d’un homme qui avait une vision, beaucoup d’amour pour les enfants et la jeunesse ainsi que le désir de leur faire connaître l’amour et la providence de Dieu. Son nom était Jacques A. Smith, et son rêve, fonder un camp biblique où les jeunes pourraient se rapprocher de Dieu et de la nature qu’il a créé, un camp où ils pourraient admirer le travail de Dieu et apprendre à louer son Nom dans la vérité et dans la foi.

C’était en 1947. Le pasteur J. A. Smith, récemment arrivé de Montréal, s’occupait des services presbytériens français dans la résidence de M. et Mme Paul J Perron (une grande maison de campagne pleine de coins et de recoins), route Craig, près de ce que l’on appelait à l’origine la colline Richmond. Il en est venu à connaître personnellement plusieurs familles françaises dans les environs de Richmond, Melbourne, Windsor, Danville, Asbestos, St-Paul de Chester et à leur parler avec enthousiasme des joies de l’apprentissage de la Bible, des activités et des avantages que la vie de camp pouvait apporter aux jeunes. Quand les parents ont accepté que leurs enfants fassent l’expérience de la vie de camp, le rêve du révérend Smith a commencé à se concrétiser.

Le premier camp a été organisé dans un champ de la ferme de M. Gérald Fortier avec environ 9 enfants cette première année de 1947. Ils avaient 2 petites tentes et, si je me rappelle bien, le pasteur Smith dormait dans son automobile. Les enfants se réveillaient chaque matin au son du klaxon et descendaient chaque jour le chemin qui menait à l’église, pour prendre les repas que Mme Béatrice Rodgers leur préparait.

Un jour, comme ils retournaient au camp, ils se sont aperçus que des visiteurs
étaient venus durant leur absence. Les vaches de Gérald Fortier avaient saccagé les tentes, dispersé leurs effets personnels et laissé des souvenirs un peu partout. Jacques Smith, en homme avisé qu’il était, a tourné l’incident en dérision, et ensemble, les enfants et lui se sont affairés à réparer les dégâts. Après plusieurs heures de dur labeur, le camp était à nouveau fonctionnel. Les enfants venaient de vivre leur première expérience de la vie de camp et ils venaient d’apprendre que les déceptions, tout comme le bonheur et la joie, faisaient partie de la vie.

1948-1949

Le pasteur Smith pouvait réunir, chaque année, pour une ou deux semaines de camping, de 9 à 15 enfants nécessiteux provenant des missions de St-René de Beauce, de Cap-de-la-Madeleine et de l’église St-Luc à Montréal. Le coût minime qu’il recueillait et qui représentait le montant de l’inscription des jeunes au camp biblique, n’était pas suffisant pour couvrir les frais de nourriture. Aussi on apportait au camp le surplus que donnaient nos jardins ou bien, le matin c’est lui qui faisait la « ronde des légumes» et ramassait ce qu’on lui avait préparé.

Les deux années suivantes, le camp s’est tenu à la ferme de M. Philippe Perron, sur la route de la Vieille vallée. Ici, le pasteur Smith avait emprunté à l’année plusieurs grandes tentes sous lesquelles une vingtaine d’enfants donnaient, contents, sous les étoiles … Mais une nuit, un violent orage accompagné de tonnerre et d’éclairs les a réveillé et les enfants, effrayés, se sont mis à crier. La pluie coulait du toit de la tente, se déversait sur leurs visages et arrosait leurs lits. Dieu merci, il y avait, non loin de là, un petit chalet où donnaient Mme Philippe Perron et Mme Laterreur, les cuisinières. Ils s’y sont réfugiés, tous ont poussé les tables contre les murs et installé des lits de fortune. Ils ont allumé un feu dans le poêle, suspendu les vêtements un peu partout, quelques enfants ont dormi dans des chaises de jardin, d’autres sur le sol. Après plusieurs heures de travail laborieux, finalement, tout se calma et rentra dans l’ordre: Les plus jeunes, apaisés, enveloppés et serrés dans des couvertures chaudes et, après une bonne tasse de café chaud, les moniteurs, les instructeurs, les cuisinières et le Pasteur, à leur tour étendus pour un repos bien mérité après une nuit des plus mouvementées. Le reste de la semaine s’est déroulé sans incident, et tous se sont bien amusés.

Les jours suivants, le pasteur Smith a continué inlassablement sa recherche du site idéal. Un jour, après en avoir parlé à M. Paul Perron, ce dernier lui fit remarquer que le lieu qu’il recherchait pourrait bien être juste là, sur sa ferme, sur sa « terre à bois » !

Est-ce qu’il y avait un ruisseau sur ce terrain? Oui, un petit ruisseau alimenté par l’eau d’une source qui jaillissait et s’écoulait à la surface du sol. Sans perdre de temps, Jacques Smith demanda qu’on l’y conduise. L’endroit semblait prometteur. D’un coup d’oeil, il a visualisé les installations, la salle à manger et la cuisine qui seraient ici, la chapelle là, les cabines pour les enfants qui formeraient un demi-cercle à l’orée du bois, une fois le terrain déblayé bien entendu!

1952

En 1952, avec l’aide de la congrégation de l’Église des cantons de l’Est (appelée plus tard Église presbytérienne St-Paul), on a construit le camp sur cette parcelle de terrain nichée dans les bois, en un lieu pittoresque vivifié par le gazouillis d’un ruisseau. Le pasteur Smith a acheté une maison à Flodden, qu’il a donné ensuite pour ajouter à la construction de notre camp biblique. Cette maison a été démontée, transportée puis reconstruite sur le site du camp, avec l’aide, toujours, des membres volontaires de la Congrégation afin d’abriter la salle à manger et la cuisine. Puis il a donné son propre garage pour construire une autre cabine. Ce camp s’est appelé « Camp d’action biblique » ou, en anglais, « Bible Action Camp ».

Le terrain sur lequel le camp a été construit était en partie un don que M. et Mme Paul Perron faisait à l’église. Quelques années plus tard, afin de répondre aux besoins d’agrandissement du site, l’église a acheté une parcelle additionnelle de terrain à M. Perron. Les années suivantes, avec l’aide de fonds de « The Presbyterian Board of Missions », cinq autres cabines ont été érigées.

1959

En 1959, pour que les jeunes puissent se baigner, on a édifié un barrage qui retenait les eaux du ruisseau et qui les a transformées ainsi en un beau petit lac artificiel, au grand plaisir de tous les campeurs! Précédemment, entre 1952 et 1959, c’était Gérald Fortier qui emmenait les enfants au moulin Dennison, sur son tracteur ou dans la charrette à foin que tirait son camion, tous les jours après sa « ronde de lait », pour qu’ils puissent se baigner. Ainsi, avec l’aide d’une subvention du Gouvernement, d’un gros bulldozer et d’un excavateur on a pu construire ce barrage et après sept ans d’attente les enfants ont enfin pu se rafraîchir, plonger dans les eaux fraîches de la source.

M. Roland Perron et son bulldozer ont effectué la plus grande partie du travail de défrichage. II a fallu abattre des arbres, déraciner les souches, niveler le terrain, tronçonner et fendre le bois des arbres abattus qui allait alimenter les feux et chauffer le camp. Les nuits étaient froides, les matins humides, le poêle à bois de la grande cuisine et de la salle à manger devait être constamment entretenu pour la préparation des repas des quelque 59 enfants que le camp comptait à ses débuts. Le terrain avait été aplani, labouré, ensemencé en herbe et en trèfle et allait produire un gazon des plus acceptable où il ferait bon se lancer la balle, jouer et courir. Après avoir reçu la subvention du Gouvernement pour construire le barrage, nous avons dû nous conformer aux exigences gouvernementales.

Les petites cabines qui avaient été bâties dans les bois ont été démolies et remplacées par des toilettes avec chasse d’eau. Puis un nouveau bâtiment a été érigé selon les plans du Gouvernement et une charmante petite chapelle blanche, blottie sous les grands épicéas, a été construite par nos gens de la Congrégation. Quant à l’église située à St-René de Beauce, elle a été démontée en raison de la persécution qu’exerçaient les catholiques sur nos gens dans cette région, amenée à Richmond et reconstruite à un endroit du camp où elle trôna jusqu’en 1984, année où elle fut transportée sur son site actuel.

Entre les années 1952 à 1960, une fois les constructions terminées, il a fallu s’équiper. Un don de Mme Doyon, une amie personnelle des Smith, nous a permis d’acheter des assiettes, ustensiles de cuisine et autre équipement ménager pour la cuisine et les cuisinières, en plus de ce que nous avons glané dans nos placards. Notre groupe de femme de la paroisse a confectionné une douzaine de torchons à vaisselle dans des sacs de sucre blancs et chaque famille a donné un édredon et une couverture de laine. Mais il n’y en avait tout de même pas suffisamment et nous avons dû emprunter des couvertures pour la durée du camp. Un couple très généreux, Mme et M.Godefrey Malboeuf, a confectionné et donné deux édredons épais, chaque hiver, jusqu’à ce que nous ayons la quantité requise.

Entre 1949 et 1967, les cuisinières ont travaillé presque bénévolement. II y avait ma mère, Mme Philippe Perron, Mme Laterreur, mes sœurs Lucille Vidal, Rachel Gifford, Aurore Ménard et moi-même, Mme Réal Larochelle, pour ne nommer que quelques unes d’entre nous. Les membres de la Congrégation passaient tous leurs jours de congés et de vacances sur le site du camp. Selon leurs talents respectifs, les uns réparaient des portes et des fenêtres, d’autres peinturaient les cabines et autres bâtisses, entreprenaient des réparations majeures comme refaire un toit endommagé par les lourdes chutes de neige.

Les femmes peinturaient également, lavaient les planchers, les murs, la vaisselle, le poêle et le réfrigérateur. Puis l’école protestante: l’Institut de la Pointe-aux-Trembles, à la fermeture de ses portes, nous a donné des lits et l’institut Feller, des matelas et plusieurs chaises pliantes, grâce à Gérald Perron qui avait fréquenté cette école durant sa jeunesse et qui était membre du « Fonds du Prêt d’honneur de l’institut français évangélique de Pointeaux-Trembles ».

Suite aux épreuves traversées et à l’influence de l’enseignement de la Bible aucamp, en un lieu où l’on se sent plus près de notre Créateur, dans la beauté du cadre de Sa Nature, l’église a donné un fils, « son meilleur cru », au Seigneur, en la personne du fils ainé de M. et Mme Gérald Fortier de Melbourne, au Québec. M. John Fortier a été ordonné en mai 1960, le jour de la fête des mères, dans notre église, en présence du révérend Sidney Garland qui officiait.

Nos jeunes doivent beaucoup au pasteur Smith et aux autres éducateurs pour l’enseignement religieux et cette joie de vivre qu’ils leur ont donnés, pour les semaines bienfaisantes passées chaque été sous leur conduite, ces sessions annuelles de deux semaines au Camp biblique. Pour montrer leur reconnaissance, ils dactylographièrent et compilèrent dans des livres toutes les chansons du camp qu’ils avaient appris, et ces recueils sont utilisés chaque année par les camps français qui viennent séjourner sur le site.

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Lire l’article paru en mai 1959 du Presbyterian Record
(en anglais seulement).

1963

Le révérend Smith a quitté la Congrégation en 1963, après 14 ans de dévoués services, pour remplir une autre fonction à Montréal. Son successeur, le pasteur Gérald Doran, qui arriva en 1966, a poursuivi le travail qu’avait entrepris Jacques Smith, et entre 1963 et 1966, nous avons continué à soutenir le camp en le louant et en effectuant les réparations requises. À ce stade-là, nous étions assez fatigués et quand une réunion spéciale de l’église a été convoquée pour discuter du Camp d’action biblique, de son maintien et de notre implication personnelle, nous avons décidé de l’offrir au Consistoire de Québec. Sous la direction du révérend Doran, nous avons pris des dispositions afin de l’offrir gratuitement, à certaines conditions qui ont été soigneusement rédigées.

Et c’est en 1967, au cours d’une cérémonie qui eut lieu sur le site même que le Camp d’action biblique fut officiellement confié au Consistoire pour que l’éducation chrétienne de la jeunesse y soit continuée. Depuis les débuts du camp, jusqu’à son installation complète, nous avions dû faire face à bien des problèmes, accomplir un travail laborieux, souvent pénible, et c’est avec beaucoup de fierté et d’émotions que nous avons transmis cette responsabilité.

Respectueusement soumis par
Mme Yvette (Perron) Larochelle

À la mémoire de Mme Yvette (Perron) Larochelle – décédée en avril 2000
À la mémoire du Révérend Jacques A. Smith – décédé en juin 2001